Nous avons aimé des êtres qui ont disparu de notre espace.
Par nécessité ou par choix.
De temps en temps, nous repensons à eux.
L’origine de ces réminiscences me surprend. Ces souvenirs ne sont jamais liés à de grands sentiments ni à des évènements importants.
C’est au fil d’un détail, d’une broutille, que nous revient à l’esprit le souvenir d’un être que nous avons aimé, d’amour ou d’amitié.
Pour des raisons techniques, j’ajoute une couleur contrastée quand je monte une encolure sur certains tricots, afin de pouvoir la défaire ensuite. Et je pense à Jacques qui me disait : « Pourquoi as-tu fait un liseré ? »
Le terme reste pour moi connoté à cet homme.
Pourtant, j’ai vécu une relation avec lui qui a duré sept ans, et serait-ce tout ce qu’il m’en reste ?
Si j’achète des gâteaux dans une pâtisserie, j’observe toujours la façon dont la vendeuse les emballe. Car, dans ce métier, il faut savoir faire des empaquetages en forme de cône, sinon, mieux vaut passer à la pharmacie où tout est conditionné d’avance ! C’est l’histoire d’une vendeuse qui subissait une patronne autoritaire et désagréable. Elle m’a été contée par Brigitte.
Quand je mange du maquereau, je compte les arrêtes car Gilles a failli s’étrangler le jour où je lui en ai servi.
Je ne demande jamais l’heure à personne car je me souviens du jour où j’ai envoyé bouler Monique qui refusait de porter une montre tout en me demandant toutes les dix minutes là où nous en étions.
Si je commence à boire trop de vin, je réduis la quantité grâce à Philippe qui en est mort à l’âge de 48 ans.
Quand j’entends parler de la marque au crocodile, c’est à Gérald je pense. Mon amour de jeunesse. Je portais la même chemise jaune « Lacoste » que lui.
Un morceau de Jazz et c’est Pascal qui est là.
Si j’achète des yaourts aux fruits, ce qui m’arrive rarement car je n’apprécie pas trop, c’est mon Grand Amour Alix avec lequel je partage sa douceur préférée.
Et tout à coup je me dis :
A quoi tiennent tous ces détails pratiques ?
Que reste-t-il de mes amours mortes ?
Les êtres que l’on a aimés sont-ils toujours présents ? Et participent-ils à notre épanouissement ?
Ou leur souvenir n’est-il là que pour nous retenir ?
Si peu de chose. Quelques fragments de souvenirs qui n’ont plus rien à voir avec ce que j’ai vécu. Si le passé nous construit, que nous en reste-t-il ?