Quand un(e) enseignant(e) du primaire n'adhère pas totalement aux injonctions pédagogiques du ministère,
ON LE (LA) CASSE !
Valérie Cruzin s'est suicidée: elle n'avait pas le profil requis par les décideurs du Ministère. Elle était gênée quand on ne disait pas « bonjour et au
revoir » et le faisait remarquer ! Cela me surprend car je connais bon nombre de collègues auxquelles on reprochait typiquement le contraire: ne pas employer les formules de
politesse quatre fois par jour ! Comme quoi, peu importe le prétexte quand on souhaite harceler un(e) enseignant(e) ! Peu importe la raison! Attention si les parents-consommateurs ne
sont pas tous contents !
Lire les détails des faits sur les sites de France 3, ici, le Parisien, ici, et Le Figaro, ici !
Bien entendu, quand un enseignant se suicide, on précise toujours haut et fort qu'il était dépressif. Mais on ne cherche jamais à connaître les causes de sa dépression. On
occulte surtout l'idée qu'elles puissent être professionnelles ! Comment une instit de maternelle pourrait-elle ne plus supporter ses conditions de travail ? Planquée comme
fonctionnaire et chargée d'initier au monde une bande de doux chérubins, de quel droit oserait-elle se plaindre ?
Méthodes traditionnelles stigmatisées, exigences pour une pédagogie « différenciée » avec 30 élèves par classe, liberté pédagogique, la hiérarchie trouve toujours de bonnes raisons à descendre le personnel enseignant quand il ose « faire des vagues »! Si nous, instits, convertis au titre de Professeurs des Ecoles, n'adhérons pas au formatage des IUFM, nous subissons nécessairement une sorte plus ou moins grave de harcèlement.
En général, on nous reproche tout d'abord de ne pas participer aux projets de « l'équipe pédagogique » quels qu'ils soient. Et après 35 ans en école maternelle, je puis vous affirmer que ces projets sont neuf fois sur dix très éloignés de la réalité et qu'il nous faut biaiser le plus possible pour trouver un lien direct entre les objectifs du ministère et les besoins concrets sur le terrain.
Contraints à nous triturer les méninges pour concilier tous les paramètres, nous gaspillons une grande part de notre énergie à pondre des tonnes de paperasses capables de justifier nos actions.
Si nous n'entrons pas dans la démarche administrative à 100%, il nous est régulièrement rappelé « d'exécuter les consignes ministérielles ». Comme celles-ci changent environ tous les sept ans, il nous faut vraiment douter de nous-mêmes pour nous plier régulièrement à de nouveaux processus. Quand, après un certain nombre d'années d'expérience, nous nous sommes fait nos propres convictions sur l'efficacité de toutes les méthodes que nous avons employées, il devient gênant de retourner sa veste en fonction de la moindre fantaisie de nos décideurs.
C'est alors que l'on entre dans la catégorie des enseignants étiquetés comme « ayant des difficultés relationnelles avec les parents ! Ne l'oublions pas : notre nouvelle fonction ne consiste plus à enseigner aux élèves et à les faire progresser. Nous sommes maintenant chargés d'animer les apprenants et de plaire à leurs familles ! Qu'importe les résultats, l'essentiel est d'accepter et d'appliquer toute méthode débile imposée avec le sourire.
Plus l'on prône l'intégration des enfants différents, moins l'on supporte les instituteurs différents !
Belle logique institutionnelle !
Je joins à mon article un courrier qu'une collègue a adressé à l'IEN de Pauillac et au Médiateur, en témoignage et en soutien à Valérie Cruzin.
Quelle joie de sortir de ce milieu par des moyens moins violents que la mort !
Il m'a été très pénible de lire le papier du 29 mars 2008 sur le suicide de Valérie Cruzin. Et dans le même temps, je ne suis pas étonnée....hélas! Je connais le harcèlement dont sont capables les parents, soutenus par les fédérations de parents d'élèves bien pensantes, qui ne sont pas des professionnels de la pédagogie ! Et les Inspecteurs de l'Education Nationale, petit doigt sur la couture, qui sont formés à Poitiers à ""pas de vagues, on règle tout en interne, on choisit d'en référer à l'Inspection Académique (supérieur hiérarchique de l'inspection de circonscription) et on fait profil bas pour être bien noté! Car l'inspecteur participe au mouvement pour changer de circonscription avec son propre barème (ancienneté des services, diplômes et note), quand le climat est disons tendu avec les partenaires...
Dans le Val de Marne, il est judicieux de doubler son courrier (un par voie hiérarchique, un directement à l'Inspecteur d'Académie, au cas où l'inspecteur de circonscription « perdrait » le courrier ou le dossier) !
Mais revenons à Valérie...
Je suis atterrée par ce manque d'écoute des professeurs d'école dont la tâche sur le terrain est très difficile: pas le temps, pas de considération, des inspections bidon, des kyrielles de compte-rendu inutiles, de la paperasse...
Voilà le résultat !
Je souhaite que Monsieur Cruzin soit entendu par cette de horde de bureaucrates.
Je suis jeune retraitée de l'Education Nationale (55 ans) ; j'ai quitté mon poste, écoeurée par les méthodes de la hiérarchie directe trop souvent gratte-papier, inerte devant ses responsabilités de protection des personnes (article 11), incompétente sur le terrain (voir les animations pédagogiques poussiéreuses et j'en passe...)
Bon courage et bonne conscience.
C.B.
Directrice d'école de 1990 à 2007 dans le 94.
2004/2007:directrice d'école élémentaire 16 classes dont 1 clin et 1 clis.
P-S : J'aimerais écrire un message de condoléances, merci de me communiquer comment procéder pour joindre M. Cruzin.
Pour lire la " Saga d'un collègue homosexuel harcelé" à l'IUFM, voir à partir d'ici.