Elisabeth Badinter subit un maximum de controverses sur son dernier ouvrage:" Le conflit: La Femme et la Mère". Je demeure foncièrement féministe depuis ma jeunesse et je déplore que sa lutte pour l'égalité puisse susciter autant de réactions excessives et désobligeantes. Madame Badinter, je vous remercie de rester une des rares féministes à oeuvrer encore pour nous les femmes qui souhaitons faire aboutir nos combats ! Oui nous sommes dans une phase de régression...dans tous les domaines sociaux.
France Inter consacre une journée spéciale à cette femme hors du commun
A l'occasion de la sortie de son livre "Le conflit : la femme et la mère". Militante des droits de la femme, agrégée de philosophie et spécialiste du XVIIIe siècle, Elisabeth Badinter a signé de nombreux essais et biographies de personnages historiques ou littéraires. Depuis 30 ans, Elisabeth Badinter n'a de cesse d'ausculter la société française. A la fois philosophe engagée et spécialiste du siècle des lumières. Trente ans après L’Amour en plus, il se livre une véritable guerre idéologique souterraine, dont on ne mesure pas encore pleinement les conséquences pour les femmes. Le retour en force du naturalisme – qui remet à l’honneur le concept bien usé d’instinct maternel et fait l’éloge du sacrifice féminin – constitue le pire danger pour leur émancipation et l’égalité des sexes...
La tête au carré
de Mathieu Vidard, à 14h
Elisabeth Badinter 30 ans plus tôt
Bernard PIVOT (Apostrophes du 30 Mai 1980) reçoit Elisabeth BADINTER dans son émission consacrée à l'amour maternel. L'auteur de "L'amour en plus", a étudié le comportement maternel au XVIIème et au XVIIIème siècles en France.Françoise RENAUDOT et Françoise COURCEL également invitées sur le plateau contestent l'étude d'Elisabeth BADINTER.
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Paradoxes, tabous, dérives, échecs... Elisabeth Badinter dresse de l’époque un portrait sans concessions. Efficace.
Nous vivons une époque de mutations et je pense que l’une des principales est le passage au Net et l’avènement de l’immédiateté que celui-ci a entraîné. On est perpétuellement dans l’instant alors que toute réflexion requiert du temps et aussi du doute. Or regardez les politiques, les journalistes, les gens amenés à s’exprimer publiquement : jamais personne ne les entend dire : “je ne sais pas” ni même, “donnez-moi le temps d’y réfléchir”. En encourageant cette instantanéité, Internet produit cet effet paradoxal : il nous ouvre l’univers, il nous permet de gagner l’espace, mais il est en train de nous faire perdre le temps et par là aussi de nous couper de l’Histoire. Je suis frappée par cette contradiction extraordinaire : chaque jour de l’année est l’occasion d’une commémoration destinée à nous souvenir de quelque chose alors que, par ailleurs, nous sommes totalement amnésiques. Cette extension de l’espace au détriment de la profondeur de l’histoire nous a coupés de la conscience du passé, laquelle est pourtant absolument indispensable à la construction d’une société. On ne peut se frayer une voie, essayer de maîtriser le présent voire anticiper le futur, sans cette conscience. Le fait qu’elle soit en train de disparaître se paie déjà : par le côté superficiel de notre société où, de plus en plus, l’élan collectif l’emporte sur la réflexion individuelle.(source : Nouvel Economiste) Le 23 octobre 2009, elle se livrait déjà au micro de Laurence Garcia, dans le 5/7 de France Inter
Service Public
d’Isabelle Giordano, à 10h
Le combat des femmes est un combat au quotidien, il suit l’histoire du mouvement féministe ; ce sont les combats d’Elisabeth Badinter depuis toujours
Le port du voile, la parité, la laïcité ou les mères porteuses sont des débats où je me suis retrouvée assez solitaire. Les combats que j’ai menés avec le plus de passion ont été perdus, enfin momentanément j’espère. […] Quand il se passe quelque chose qui m’indigne ou qui me semble dangereux pour la société, comme des statistiques ethniques, il y a une espèce de passion qui reprend le dessus. Interview D'Elisabeth Badinter dans le journal d'Alain Le Gouguec du 29 mai 2008 à 13h00 sur France Inter, suite à la décision du tribunal de grande instance de Lille a annulé en avril un mariage entre musulmans "pour erreur sur les qualités essentielles" de la conjointe car celle-ci avait menti sur sa virginité.
6h30/10h
Nicolas Demorand 9h34 - dans Comme on nous Parle
Ce que dit Elisabeth Badinter du féminisme
Quand j’ai lu Le Deuxième Sexe […], j’ai eu l’impression que quelqu’un ouvrait la porte de la Prison. Simone de Beauvoir me laissait à penser que je n’étais pas déterminée à avoir un Destin féminin nécessaire […]. Je pouvais ne pas me marier, ne pas avoir d’enfants, peut-être devenir un écrivain, vivre la vie que je voulais sans rendre de comptes à personne. C’est Simone de Beauvoir qui m’a ouvert la porte du combat féministe et permis de voir les bénéfices qu’on pouvait tirer d’un discours conquérant. Or je suis effarée de voir que l’on apprend aux jeunes générations à se protéger du monde extérieur et non pas à le conquérir. Cette attitude de repli me semble un désastre. On est uniquement dans la dénonciation du viol, de la maltraitance et on est en train de construire une image des hommes abominable : celle de l’ennemi, du salaud. Ce discours féministe me hérisse. Je refuse l’assimilation systématique des fous furieux et des malades mentaux avec le genre masculin et celle des victimes angéliques avec le genre féminin, c’est une dérive idéologique ! On oublie qu’il existe des femmes perverses, capables de violence, de harcèlement moral... Loin de moi l’idée de compter pour rien la violence que des hommes peuvent exercer sur des femmes. Au contraire, je pense qu’il faut aider les associations comme Ni Putes Ni Soumises à mettre à l’abri les femmes violentées par des hommes. Mais, encore une fois, rappelons que le bien n’est pas du côté des femmes et le mal du côté des hommes. Que l’un et l’autre sont partout chez l’être humain.
2000 ans d’histoire
de Patrice Gélinet, à 13h30 photo : © Rue des Archives
...et sur la parité
Pour moi être féministe aujourd’hui, c’est militer pour l’égalité des sexes. L’égalité et non pas la parité. J’étais résolument hostile au combat pour la parité qui consistait à introduire la différence biologique dans la Constitution et je suis résolument hostile aux quotas, ce qui ne m’empêche pas d’être une militante acharnée de l’égalité des chances. Mais pour moi, les quotas et la parité ne peuvent résoudre le problème de l’égalité, au contraire ; ce sont des outils de discrimination. Certes, le débat sur la parité continue à avoir un aspect positif : c’est la piqûre de rappel des inégalités. Mais de mon point de vue, cette inégalité se joue en ce moment et depuis plus de trente ans dans la sphère du privé. C’est parce que celle-ci entretient l’inégalité entre hommes et femmes que l’espace public, et notamment les lieux de travail, restent inégalitaires.
Le téléphone Sonne
de Alain Bedouet, à 19h20 |
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Sauf votre respect, Mme Badinter, vous écrivez n'importe quoi
Peut-on simplement opter, à défaut d’une solution idéale, pour le moindre mal ? D’autant que, y compris chez les bobos d’anthologie, adeptes du bon vert bon genre, le mâle moderne contribue le plus souvent aux efforts écolos chics et n’hésite pas à soulager sa femelle des tâches les moins nobles de la maisonnée. Le macho invétéré, même s’il a la peau dure, commence tout doucement à s’humaniser. Nous sommes loin du compte, mais le combat est là. Ce n’est pas à l’écologie, ni à l’environnement, ni au bio à payer la facture, c’est au connard de mec rivé sur son nombril et incapable de se bouger les fesses pour changer une couche, donner un bain, faire le dîner des enfants et s’en occuper de temps en temps pour que Maman puisse écarter les doigts de pieds. C’est cette mentalité masculine là qu’il faut fustiger, pas les défenseurs de la nature.
L’homme au foyer a fait, en ce sens, des progrès certains, même s’il lui en reste de bien plus immenses à faire. L’effort environnemental est bien sûr une affaire de couple. C’est à deux que l’on relève le défi.
Il ne suffit pas de dénoncer le dogme déterministe et biologique lié à l’instinct maternel, encore faut-il savoir si la libération de la femme ne l’a pas, au contraire, rapprochée de son enfant. La femme n’est plus contrainte d’allaiter son petit, elle est libre de le faire. Et c’est cette liberté qui ajoute une dimension d’amour consenti à la beauté du geste. Faut-il pour autant culpabiliser les adeptes du sein ? Et si l’humanisme maternel, enfin révélé par l’émancipation -en cours- du deuxième sexe, passait précisément par cette proximité charnelle entre celle qui donne et celui qui reçoit ? On se libère aussi en allaitant.
Le lait maternel est en fait le sang que la mère continue à transmettre par un cordon, non plus ombilical, mais buccal, à son bébé. Ce sera là son dernier don d’elle-même. Il est lourd de sens et conditionne, à cet instant, l’égalité entre les êtres. Le biberon est un acte social devant lequel toutes les femmes ne sont pas égales. Combien de millions de mamans pleurent chaque jour de ne pas avoir une goutte de lait à offrir à leur petit bébé ? On peut aussi allaiter au sein comme on limite la consommation d’eau dans les pays de sécheresse. Que le lait artificiel des biberons occidentaux ainsi économisé puisse au moins servir à nourrir les enfants affamés du tiers monde. Voilà une jolie cause, utopiste pour l’heure, qu’il conviendrait de promouvoir. Pour chaque gorgeon maternel en hémisphère nord, un gorgeon de lait en poudre en hémisphère sud. Le principe des vases communicants pour sauver des vies et limiter la détresse de millions d’êtres humains.
Mieux que beaucoup d’autres femmes, Elisabeth Badinter sait que toutes les époques sont soumises à des choix historiques cruciaux. Si l’on pousse son raisonnement jusqu’à l’absurde, au nom du droit de ne pas faire d’omelette pour ne pas avoir à casser les œufs, alors la Résistance française entre 1940 et 1944 n’aurait jamais dû commettre d’attentats contre l’occupant allemand, afin d’éviter les épouvantables représailles nazies contre les populations civiles innocentes. La comparaison est aussi caricaturale qu’outrancière, certes, mais le problème fut pourtant posé en ces termes et divisa la France Libre.
En période de crise, une mesure de rédemption, ou de sauvetage, implique généralement un sacrifice. Celui de la préservation de notre univers naturel et de notre hygiène alimentaire en implique aussi. Et même en partant du principe que l’auteur de « L’Amour en plus » aurait cent fois raison, peut-on ainsi expliquer à une mère que sacrifier un peu de son bien être pour protéger la planète sur laquelle doit grandir son enfant constitue une remise en cause de l’émancipation féminine ? Et si la femme n’a pas à subir seule les conséquences sociales d’un respect dogmatique de l’environnement, elle doit assumer sa responsabilité de mère en s’assurant d’un monde meilleur pour les êtres qu’elle y met. La maternité ne sera jamais la paternité.
Et s’il est un instinct maternel louable, souhaitable, inaliénable, c’est bien celui dont l’humanité doit faire preuve à l’endroit de cette grosse boule tournant autour du soleil et que le général de Gaulle appelait à juste titre « Notre pauvre et bonne vieille mère la Terre ». Eh bien, l’amour en plus, pour une mère, c’est aussi, malgré les inconvénients, de donner le sein afin de protéger la Terre de ses enfants. Comme l’a si bien dit Goethe, il faut savoir préférer une injustice à un désordre pouvant lui-même générer un injustice encore plus grande.
Enfin, et loin de nous l’idée que sa position d’actionnaire majoritaire de l’agence Publicis, fondée par son père Marcel Bleustein-Blanchet, inventeur de la publicité contemporaine et génie de la communication, ait pu un seul instant téléguider sa défense de produits industriels liés à de gros annonceurs -cette pensée nous déshonorerait et ceux qui s’y sont risqués ne sont que de sinistres salauds-, mais il est vrai que ce non conflit d’intérêt place un peu Elisabeth Badinter en situation délicate. Il fallait le dire. Cela ne retire rien aux vertus et aux qualités morales de son ouvrage.
Retrouvez les articles de Périco Légasse sur son blog.